En fermant la porte...
En fermant la porte de mon bureau chaque soir, je laisse des patients qui ont pleuré, émus de raconter leur souffrances, leurs histoires lourdes à porter.
Je laisse des genoux en vrac et des renouvellements de traitements.
Je laisse des migraines soulagées ou des infections jugulées.
Je laisse des dizaines d'appels téléphoniques auxquels il faut répondre, des rendez-vous urgents pris uniquement sur prescription médicale, des supérieurs de patients qui me confient leurs difficultés RH et l'illogisme du système.
Je laisse des plantages de logiciel qui me font maudire la terre entière, des dizaines de messages qu'il faut absolument lire et qui seront modifiés le mois prochain.
Je laisse de la paperasse qui s'amoncelle sur mon bureau mais qu'il faut quand même rêgler même si vous vous dîtes que, dans vos 10 ans d'étude, personne ne vous avez vraiment appris tout ça.
Je laisse des milliers de phrases prononcées, des patients qui s'affalent sur leur fauteuil, d'autres qui s'accoudent à mon bureau, d'autres qui menacent la boîte de mouchoirs de se vider en 5 minutes.
Je laisse des dos contractés, des chevilles enflées, des otites carabinées....
Et pour soigner tout ça, il me faut :
- des oreilles pour écouter
- des yeux pour observer
- des mains pour palper et parfois soulager
- la parole pour suggérer
- un coeur pour comprendre
Mais, quand notre coeur est lourd, quand notre parole se fait rare, quand nos mains se font moins volontaires, quand nos yeux luttent contre la fatigue et quand nos oreilles n'entendent plus, nous, qui va nous soigner?
Petit coup de blues du dimanche soir.
Et tout ça pour tirer la sonnette d'alarme sur l'état de santé de mes confrères. Le nombre de suicides des médecins est trois fois supérieur à la population générale. Je vous joint un très bon article sur cette urgence
Une vocation en crise? Ou un manque de reconnaissance?
Parlons aussi des autres soignants, infirmiers, cadres de santé, aide-soignants qui ne peuvent compter leurs heures face à une demande et une exigence croissante, négligeant leur propre santé et minimisant les maux de leurs pairs parce qu'il est tabou d'être malade quand on est soignant...
Voilà, c'est dit.
On n'est pas tous fait pour soigner les autres, c'est certain.
Ouverture du coeur, dévouement, abnégation, bonne condition physique et horaires pas souvent adaptés au rythme familial...il faut un certain "courage" pour mettre des limites à nos capacités et cela non plus n'est pas bien accepté.
La prochaine fois que vous voyez votre médecin/kiné/infirmière/aide-soignante/ psychologue, dîtes vous bien qu'il est aussi comme vous, un être humain, pas un surhomme.
Sinon, pour aider "la Docteur Chocolatine qui n'est pas une superwoman", c'est ICI
pour le concours Neff et mon cake Pure Vanille
UN VOTE PAR JOUR ET PAR PERSONNE ... alors allez y !
Post scriptum : je rajoute ce petit mot suite à quelques messages d'amies venant de lire mon billet. Ne vous inquiétez pas, je vais bien.