Polisse et l'outrage aux enfants et aux femmes
Hier soir, pour "nous changer les idées" et surtout parce que je sens que je ne pourrais pas regarder ce film avant plusieurs mois, nous avons visionné "Polisse" de Maïwenn.
Ce film a eu le prix du jury à Cannes et a, lors de son prix puis au moment de sa sortie, suscité quelques polémiques.
Pour ma part, j'ai trouvé que ce film était original et traitait d'un sujet dur mais malheureusement très réel.
Les interrogatoires, les situations, ne me semblent pas tirés par les cheveux. Ce n'est pas exagéré et même si l'on est choqués par le langage, par les images que cela peut impliquer dans notre cerveau, c'est bien ça la réalité.
Et là je rejoins mon expérience de soignant :
Je voulais en parler il y a quelques mois et puis j'ai laissé ce post en suspens pour des raisons de confidentialité.
Les violences sexuelles sur mineur existent. J'en perçois les échos soit par les mères qui ont ouvert les yeux et essayent de réparer les cicatrices de leurs enfants, soit par les patients eux-même qui, avec pudeur, au détour d'une consultation, me parlent de ce qu'ils ont subi.
Je ne suis pas seule à être consciente de cette situation dramatique : une de mes amies a longtemps travaillé dans un foyer pour enfants. C'est elle aussi qui m'a fait prendre conscience du repère fondamental de l'histoire du soir pour mes enfants mais aussi pour ceux dont elle devait calmer les angoisses à la tombée de la nuit.
Le film donc aborde plusieurs thèmes :
- le premier, le plus choquant en premier abord, est le viol sur mineurs, incestueux ou non.
- le deuxième, moins mis en avant, est l'hypersexualisation des adolescents.
Un des extraits très "populaire" sur internet, montre une jeune fille prête sans aucune appréhension ou colère à des rapports oro-génitaux pour récupérer son téléphone portable.
Mais l'un des interrogatoires qui m'a le plus interpellé, c'est celui où une jeune fille explose en leur disant "on n'est plus au temps de Louis XIV, ne pas coucher avant le mariage et tout ça. Faut ouvrir les yeux, les mecs ! Maintenant, à 14 ans, on b..., on s...et on n....".
Attention, pour la vidéo, elle est choquante. Elle regroupe les deux situations dont je vous parle...et d'autres.
Mis à part les propos orduriers qu'on entend à tout bout de champ durant tout le film, c'est CELA dont on doit retenir le message :
Les ados d'aujourd'hui sont confrontés à une violence, à une banalisation de la sexualité et un mépris de leur corps et de leur intégrité qui les mettent en danger et mettent en péril toute la société.
Bien sûr qu'il ne faut pas nier le problème mais il faut le prévenir. Les petites filles ne sont pas des lolitas, les enfants ne doivent pas être confrontés à la nudité de leurs parents voire à des gestes déplacés devant eux.
A l'adolescence, il convient d'être encore plus vigilants, de leur poser des limites (au risque d'être "has been" à leurs yeux mais c'est bien notre rôle et tant mieux ! ) et de les surveiller de façon rapprochée tant par les informations auxquelles ils ont accès (internet, radio, télévision) que par leurs copains et copines.
A nous aussi les mamans et les papas de montrer l'exemple et de faire comprendre à un enfant qu'on n'attire pas l'amour d'un homme, d'un mari uniquement par des ongles peinturlurés ou un maquillage impeccable mais par notre personnalité, notre faculté à donner, à aimer, notre "moi" propre.
Et, bien sûr, de leur enseigner (parce que ce n'est pas à l'école qu'ils l'apprennent et c'est bien notre rôle) le respect de leur corps, le respect que l'on doit avoir pour eux, la pudeur à avoir et les interdits ancestraux.
Pourquoi j'ai bondi quand j'ai entendu ces jeunes filles interrogées?
Parce que j'ai reconnu des situations similaires depuis que j'ai commencé ma pratique médicale avec des jeunes hommes, des jeunes femmes mais aussi certains patients plus âgés.
Des situations où j'avais soit envie de rire, soit envie de pleurer...
où l'on a oublié que l'autre a un corps ET une âme, qu'il n'est pas un objet de consommation ou de plaisir et que l'union des corps implique une certaine maturité que beaucoup n'ont pas du tout acquis le jour de "leur première fois".
Alors, oui, je suis rétro, je suis has been, j'ai trente ans et je vis "au temps de Louis XIV" selon la jeune fille citée plus haut.
Non, pardon, je vis dans un temps où les hommes et les femmes se séduisent, s'aiment, se tiennent par la main, content fleurette et construisent sur du roc.une relation qui est appelée à durer (ou tout du moins, c'est la volonté des deux protagonistes...après, cela échoue parfois)
Situation similaire plus bas où j'ai reconnu une histoire qu'une de mes amies a vécue avec une de ses patientes de 26 ans. Son mari, après l'accouchement de son 8ème enfant, lorsqu'on lui a parlé de contraception, lui a répondu "Non, pas besoin, elle est gentille, elle est sage..." Sic !
De même, j'ai souvent vécu en gynécologie des situations où les hommes refusaient qu'un docteur masculin ne voient leur femme (quitte à les mettre en danger vital).
L'obscurantisme et l'isolement des femmes ne datent pas d'hier mais lorsqu'il s'agit de leur santé ou de leur intégrité physique, cela est une violation des droits de l'homme et de la dignité humaine.