Un métier merveilleux...
Il y a des jours où...
"Une garde comme une autre au Val de Grâce", me dis je, en arrivant ce samedi matin là. "24 h à tirer et je repartirais à la maison pour un repos bien mérité..."
Malheureusement...
Dès 9h, les patients stationnaient en salle d'attente. De la douleur lombaire aigüe au quadragénaire atteint d'un cancer métastatique dont la famille n'était pas informée, puis de la vieille dame qui venait faire son dosage de coagulation ( "vous comprenez, docteur, je ne sais plus combien j'ai pris de previscan hier et puis, il n'y a pas de laboratoire ouvert le dimanche")...entrecoupés de coups de téléphone pour des avis médicaux.
Ces deux dames qui venaient pour leur prise de sang, j'ai laissé tomber la polémique et leur ai fait leur dosage. Pas assez de temps pour expliquer en long en large et en travers le pourquoi du comment et le fonctionnement d'un service de porte.
Les avis médicaux par téléphone, maintenant, je refuse d'en donner un seul. Les gens inconscients peuvent noircir ou dédramatiser le tableau et il n'y a pas mieux pour se retrouver devant un tribunal. De ce fait, je leur dis : " Nous sommes trois, monsieur, pour tout l'hôpital, nous ne sommes pas un service d'urgence et, si vous habitez à deux heures de paris, il vaut mieux aller vers l'hôpital le plus proche. Point.". Général en retraite ou pas...
Le pompon a été atteint par deux cas :
-le capitaine de gendarmerie qui m'appelle de La Réunion ( oui oui ) parce que son beau-frère est très mal traité dans un autre hopital militaire, a été transféré en réanimation où il aurait "attrapé" une septicémie ( "par négligence de vos confrères, docteur" ) et qu'il veut qu'on aille le chercher, nous, au Val, pour le soigner, faisant fi de toute notre déontologie médicale, l'esprit de corps qui nous habite et la confiance envers les autres membres de notre profession... Les réanimateurs du service de santé, qu'on se le dise, sont excellents. J'ai donc tenu bon, refusant et l'enjoignant à rappeler mes confrères devant ce malentendu.
-bouquet final ( je vous situe le contexte, je sortais de ma matinée de folie et je venais de constater un décès d'un malade dont j'avais eu longtemps la charge ) : le fils d'une de mes patientes rugit dans le couloir de mon service, injuriant le personnel, tenant des propos racistes et grossiers, refusant de s'asseoir lorsque je l'y invite et hurle à un mètre de moi tout en me dominant de sa stature ( 1,80m et 100kg), vomissant ( "oui oui, le terme est adéquat" ) sa verve paranoïaque et minable, hurlant qu'on maltraite sa mère...
Que croyez vous que le petit lieutenant, la petite interne des armées, mini-format, moi en l'occurence, fasse?
Eh ben, je sors de mes gonds et lui réponds à peu près dans les mêmes termes ( en plus poli tout de même ) qu'il n'a pas le droit de se comporter ainsi envers le personnel et envers moi-même. Ce faisant, monsieur comprend qu'il ne devrait peut être pas insulter le médecin et essaye de me faire rentrer dans son camp. Echec total, bien sûr...
Quelque soit le prix qui me soit payé ( pas mirobolant du tout ), je refuse de me faire insulter.
Qu'est ce que c'est que cette société où, parce qu'on a l'argent ou le pouvoir ou un nom, on a le droit d'écraser les autres, les traiter plus bas que terre et dénigrer une profession où nous donnons de nous même pour le bien de nos patients?
Combien d'êtres extraordinaires nous a t-il été donné soigner? Extraordinaire par leur humilité, leur confiance et leur courage? Beaucoup...
Beaucoup heureusement avec qui on a envie de se poser, de parler, de les soulager, les encourager...
et d'autres qui réclament, pinaillent, humilient, dénigrent...
Quel dur sacerdoce ! Le prix à payer est bien lourd parfois.