Comment tenir?
En ce jour bien spécial, je pense à tous les Poilus de la Grande Guerre qui, durant des années, ont quitté leur femme et leurs enfants pour aller combattre et défendre la France.
Je pense, in extenso, à tous nos soldats qui sont au loin, à l'autre bout du monde et plus particulièrement au père de mes filles qui, lui aussi, a passé de longs mois à se préparer avant de partir.
De tous les côtés, c'est dur :
Pour le militaire loin de sa famille et dans sa mission, il pense sans cesse aux dangers inhérents à sa condition, à la perspective que tout se passe bien chez lui, que rien de grave (deuil, maladies, accidents) ne tombe sur ses proches, aux enfants qui grandissent, qui, parfois, le réclament de façon plus ou moins violente.
Il faut gagner du temps, cocher des jours, s'occuper ou oublier le stress, se reposer, penser sans cesse à se préserver, à se protéger quitte à sembler un peu lointain pour ceux qui pensent sans cesse à vous.
Les moyens de communication actuels nous permettent heureusement d'être souvent en contact, de ne pas rompre le lien essentiel, de garder un pied dans la famille....
Pour l'épou(x-se) qui reste, il y a les tâches quotidiennes multipliées par deux, les diners en solitaire, des petits riens qui sont toujours plus durs tout seul qu'à deux (faire les courses, aller se promener, visiter un zoo ou prendre le train avec des enfants, répondre aux questions administratives).
Il faut aussi être "opérationnel". Pas le droit d'être malade, pas le droit de se tordre une cheville ou se casser un bras. On prie pour que la voiture marche, pour que l'ordinateur ne plante pas, qu'il n'y ait pas de fuite d'eau ou de panne de machine à laver.
Et puis il y a un travail professionnel à assurer, des collègues plus ou moins compatissants, des chefs plus ou moins au fait de la situation familiale. Je parle là du milieu civil, souvent plus dur que les militaires...
Les enfants qui vont être désobéissants, perturbés, malades, irritables...
Je parle donc en connaissance de cause même si je n'ai pas de grande expérience en ce domaine.
Quelles sont alors les clés qui nous permettent de tenir?
- des décisions prises à deux concernant le départ en mission, les choses à assurer en son absence
- un mariage fort, heureux, paisible...
- des aidants très présents ( famille, nounous, amis, baby-sitters)
- des pauses essentielles (sport, culture, ciné, restaurant...) sans oublier surtout une vie spirituelle régulière et approfondie
- l'espoir sans cesse, une grande confiance en l'avenir. Regarder toujours le chemin parcouru et se dire qu'on avance toujours vers le retour de l'être aimé
- occuper son temps, parler au téléphone, inviter des amis, prendre des photos pour les envoyer à celui qui est parti, lui donner des nouvelles quotidiennes, ne jamais parler en négatif de lui mais valoriser sa mission, reconnaître le sacrifice qu'il fait
- garder le sourire : "à chaque jour suffit sa peine", "demain est un autre jour"
Voilà. Ce que je dis n'est pas grand chose. Beaucoup y trouveront que ce n'est pas parfait, que je devrais améliorer certaines pistes ou en voir d'autres.
Le 11 novembre, pour mon arrière grand père, c'était un grand jour.
Pour moi aussi, ça reste le jour où nous pensons à l'horreur de la guerre, de la barbarie humaine et nous espérons qu'une seule chose, n'avoir jamais à le subir de nouveau. C'est pour cela que nous sommes là-bas !