Ce fichu médecin qui est en retard

A toi, mon patient qui te plaignait que ton médecin était en retard, toi qui, malgré toutes mes explications n’a pas voulu comprendre, sache que...

Si tu avais rendez-vous à 8h, tu devais obligatoirement passer par la case poids/taille/vision/audiomêtrie/pipi/ecg et tout le tintouin…ça prend du temps!

Pendant que tu réalisais ces gentilles petites mesures, j’ai pris une patiente. La dite patiente avait, en théorie, un quart d’heure de consultation. En théorie,donc, j’aurais du te prendre à l’heure dite.

SAUF QUE cette dame avait des soucis de santé. C'est fou ça! Des gens qui ont des problèmes de santé et qui vont consulter! Nan...je déconne! Dingue quoi! Du jamais vu! Et au moins trois…qu’il fallait prendre en charge. Je te passerai les détails, ça s'appelle du confidentiel médical.

Lire les courriers de ses spécialistes, lui conseiller d’arrêter de fumer, réaliser des ordonnances, l’examiner, l’écouter, l’encourager, faire une consultation quoi!

Cette dame, non seulement n’habitait pas, comme toi à un quart d’heure du centre médical, mais à 1h d’avion. Je te passerai le nombre d’ heures en pirogue. De toute façon, elle n’aurait pas pu en faire. Si tu arrives à calculer, je te laisse le soin de me le noter sur un bout de papier.

Bref, pendant que tu t’impatientais dans la salle d’attente avec des bouquins, des magazines (nan, y a pas la télé, y a plus de sous, mon bon monsieur),  j’écoutais, je conseillais, je prenais mon temps…et je faisais mon boulot de médecin.

Alors voilà…j’ai été sympa avec toi, en fait. Même si j'étais en retard...

Je t’ai expliqué qu’après avoir vu cette patiente, il fallait en plus que je rentre les données dans l’ordinateur parce que c'était comme ça depuis que mon grand chef, avec plein de barrettes sur les épaules, le veut et que ça prend du temps.Tu n’as pas compris.

Alors j’ai du te faire comprendre que la consultation m’avait pris du temps, que ce temps-là était imprévu mais nécessaire, que je m’engageais à te voir, le jour où tu aurais besoin, le temps qu’il te faudrait parce que c’était mon travail de soignant. Tu n'as toujours pas compris.

Tu m'as dit que j’aurais du prévenir avant ou même pendant la consultation.. Il m’a fallu,gentiment, te dire que ça ne se faisait pas,justement, en pleine consultation, d’appeler sa secrétaire en prévenant que la consultation était longue. Ca s'appelle du savoir-vivre qui prime sur le fait d'être en retard parce qu'on fait son boulot. Tu n’as toujours pas compris.

Je t’ai même rappelé que la dernière fois que je t’ai vu, je n’étais pas en retard.

Toutefois, j’aurais pu :

• Te dire que c’était comme ça et pas autrement
• Qu'en plus, je te prends sur ton temps de travail alors que ton médecin en face essaye la plupart du temps de voir ses confrères en dehors de ses heures à lui pour être disponible pour toi!
• Te rappeler qu'il n'y avait pas mort d'homme quand même! A moins que tu ais oublié de boire et d'uriner pendant que tu attendais. Pourtant, on a tout à disposition de ce côté-là.
• Préciser que la consultation est gratuite...le passage de savon aussi!
• Te montrer mes galons et te dire que j’en avais rien à faire, que je ne suis pas prestataire de service, mais que j’ai bien plus d’ancienneté que toi dans l’armée et que, normalement, face à un début de code barre, on se tait! Enfin, ça, c'est ce qu'on m'a appris quand j'étais toute petite. Tout se perd, le respect de la hiérarchie aussi!
• Te tutoyer…et te traiter de tous les noms. Mais je ne l’ai pas fait. Parce que, contrairement à toi, j’essaye d’être bienveillante !

La prochaine fois que je te vois, peut-être que mes sacro-saints principes d’égalité des soins, je les roulerai bien finement et te les proposerai avec de la vaseline. Et puis, je te rajouterai une dissertation sur le sens du mot "patient". Tu vois, moi aussi, je peux ne pas être sympa du tout du tout!

Mais je ne t'ai rien dit de tout ça. Je t'attends quand même au tournant...on ne sait jamais.

Sur ce, je ne te dis pas bonne nuit ! Tu n’en pas besoin !