Comment bien lire une interview...

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Voici ce qu'on peut lire sur le blog du père Louis de Villoutrey qui commente la réflexion de Vianney, un séminariste. Ils disent de façon claire et juste ce que je pense également.
vous pouvez le lire aussi sur
http://louis-de-villoutreys.over-blog.fr/article-29520986.html

Dire :
1. "les USA vont sombrer dans le chaos",
2. "L'économie mondiale se redresse",
3. "Jean-Marie Le Pen redevient un homme politique comme les autres",

sont des propositions absurdes, improbables et scandaleuses. Pourtant, ce sont des citations extraites à chaque fois d’une phrase plus complexe et sensée :
1. "Si Obama n’est pas élu, les USA vont sombrer dans le chaos" ;
2. "Si on ne fait pas d’erreur dans la gestion d’une crise, l’économie mondiale se redresse" ;
3. "S’il ne se comporte plus de manière antisémite et raciste, Jean-Marie Le Pen redevient un homme politique comme les autres".

Un enfant de 7 ans comprend que ces citations font dire à leur auteur LE CONTRAIRE de ce qu’il a dit. Pourquoi cela ?
Parce que l’expression citée dépend à chaque fois d’une CONDITION NEGATIVE.
C’est-à-dire que la seconde proposition n’est vraie que si la précédente est fausse :

1. "les USA vont sombrer dans le chaos" si et seulement si il est faux qu’Obama soit élu. (Or nous savons que le contraire est vrai).
2. L’économie mondiale peut se redresser, si et seulement si on ne fait pas d’erreur dans la gestion d’une crise.
3. Le Pen redeviendrait un homme politique comme les autres s’il abandonnait ses comportements racistes.

Bien sûr, celui qui a coupé ainsi les citations a inversé leur sens.

Or, lorsque les médias citent cette phrase de Benoît XVI :
"On ne peut résoudre ce fléau en distribuant des préservatifs : au contraire, cela risque d’augmenter le problème",
ils se comportent exactement de la même manière ; d’une manière telle qu’un enfant en aperçoit tout de suite la fausseté.
En effet, cette phrase dépend elle aussi d’une CONDITION NEGATIVE.

Citons la phrase exacte :
"S’il n’y a pas l’âme, si les Africains ne s’aident pas, on ne peut résoudre ce fléau en distribuant des préservatifs : au contraire, cela risque d’augmenter le problème."

Autrement dit, c’est si et seulement "s’il n’y a pas d’âme", "si les Africains ne s’entraident pas", que les deux propositions "on ne peut résoudre ce fléau en distribuant des préservatifs : au contraire, cela risque d’augmenter le problème" sont vraies.
Il est parfaitement clair que c’est une hypothèse négative, et de surcroît une hypothèse fausse dans l’esprit de l’auteur, il suffit de se reporter au contexte pour en avoir la conviction.

Couper la phrase de sa condition, c’est immédiatement en inverser le sens.

Voici le texte dans sa totalité, vous pourrez en juger :

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Philippe Visseyrias, France 2 :
Saint-Père, parmi les nombreux maux dont souffre l’Afrique, il y a en particulier la propagation du sida. La position de l’Eglise catholique sur les moyens de lutter contre le sida est souvent considérée irréaliste et inefficace. Allez-vous aborder ce thème durant votre voyage ?

Benoît XVI :
Je dirais le contraire.
Je pense que l’entité la plus efficace, la plus présente sur le front de la lutte contre le sida est justement l’Eglise catholique, avec ses mouvements, avec ses réalités diverses.
- Je pense à la communauté de Sant’Egidio qui fait tellement, de manière visible et aussi invisible, pour la lutte contre le sida,
- je pense aux Camilliens, à toutes les sœurs qui sont au service des malades.
Je dirais que l’on ne peut vaincre ce problème du sida uniquement avec des slogans publicitaires. S’il n’y a pas l’âme, si les Africains ne s’aident pas, on ne peut résoudre ce fléau en distribuant des préservatifs : au contraire, cela risque d’augmenter le problème.
On ne peut trouver la solution que dans un double engagement :
- le premier, une humanisation de la sexualité, c’est-à-dire un renouveau spirituel et humain qui implique une nouvelle façon de se comporter l’un envers l'autre,
- et le second, une amitié vraie, surtout envers ceux qui souffrent, la disponibilité à être avec les malades, au prix aussi de sacrifices et de renoncements personnels.
Ce sont ces facteurs qui aident et qui portent des progrès visibles.
Autrement dit, notre double effort pour renouveler l’homme intérieurement, donner une force spirituelle et humaine pour un comportement juste à l’égard de son propre corps et de celui de l’autre, et notre capacité à souffrir, à rester présent dans les situations d’épreuve avec les malades. Il me semble que c’est la réponse juste.
L’Eglise agit ainsi et offre par là même une contribution très grande et très importante. Remercions tous ceux qui le font.

(Verbatim des déclarations de Benoît XVI lors de la conférence de presse dans l’avion vers l’Afrique. Source: salle de presse du Saint-Siège, traduction La Croix)
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D’où ma question :

- Pourquoi certains journalistes ont-ils tronqué cette phrase en la coupant de la condition négative qui en renversait le sens ?

- Pourquoi d’autres ont-ils répété en boucle cette affirmation sans la vérifier ?

Il n’y a hélas que deux réponses possibles :
- soit ils sont incapables de suivre un raisonnement (mais celui-ci est du niveau d’un enfant de 7 ans),
- soit ils sont malhonnêtes.

Car le seul problème que pose ce pape, c’est qu’il raisonne au lieu de marteler des slogans. Dans la République des médias, c'est impardonnable.

Publié dans Vivre en chrétien

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